«Nous sommes très inquiets !»

Après le Covid, l’inflation est au cœur des préoccupations des Français. Les crises se succèdent et beaucoup doivent aujourd’hui choisir entre se nourrir et se chauffer, se déplacer, se loger. Quel constat faites-vous ?
Quelques semaines après le début de la 38e campagne des Restos du Cœur, le constat est inquiétant. Il est inédit. Nous comptons aujourd’hui + de 17% d’augmentation du nombre de personnes qui fréquentent nos lieux d’activité par rapport à la même période l’an dernier, soit une augmentation de plus de 20% de repas servis en quelques semaines par rapport à l’an dernier sur la même période. La situation est alarmante. Nous préparons notre association à un monde où les crises se multiplient et où elle devient indispensable à la survie de beaucoup de personnes démunies

56% des étudiants affirment ne pas manger à leur faim. Comment aider cette jeunesse en détresse ?
Très clairement aujourd’hui, sur les plus de 1,1 million de personnes que nous accueillons, la moitié est âgée de moins de 25 ans avec évidemment, une proportion importante d’étudiants en difficulté que nous avons déjà aidés plus fortement lors de la première crise sanitaire. Un chiffre encore plus criant : nous accueillons plus de 110 000 bébés âgés de 0 à 3 ans. Il est de notre responsabilité d’éviter que ces «berceaux de pauvreté» deviennent demain les personnes adultes que nous devrons accueillir. Aussi, dès les 1 000 premiers jours de l’enfant, nous avons décidé de mettre en place un programme alimentaire complet permettant de soulager les familles, notamment monoparentales. L’objectif est de les alléger au moins de cette dépense-là et en même temps, de garantir un équilibre nutritionnel en les aidant et en les accompagnant. Soutenir les parents, c’est aussi s’occuper de toutes ces mamans qui consacrent tout leur temps, l’énergie et le peu d’argent dont elles disposent à s’occuper de leur bébé. Le soutien passe alors par l’aide à la recherche d’un emploi, l’apprentissage du français si elles en ont besoin, la participation à des ateliers d’estime de soi, d’accompagnement budgétaire… L’enfance et la jeunesse restent une priorité, même si nous n’oublions pas les seniors, qui reviennent malheureusement chez nous car avec la crise sanitaire, ils ont dû vider leurs livrets ou leurs petites économies pour aider leurs enfants ou petits-enfants en difficulté.

Face à l’augmentation constante des prix, comment œuvrer contre la précarité ?
Aux Restos du Cœur, nous avons fait le choix de ne pas réduire l’offre proposée, que ce soit en termes de qualité ou de quantité. Il était hors de question d’attendre que cette nouvelle vague passe en freinant nos activités. En contrepartie, nous connaissons un risque accru d’effet ciseau entre les besoins qui augmentent fortement et les ressources qui diminuent. Aujourd’hui, j’ignore quelles seront les possibilités de dons des Français qui sont pour beaucoup, des personnes modestes. Elles auront certainement à faire le choix entre pouvoir continuer à soutenir leur association préférée et tout simplement remplir leur assiette. Le second risque est d’avoir à faire face à des charges en augmentation constante. Nous achetons plus d’un tiers de ce que nous distribuons gratuitement, qu’il s’agisse des produits alimentaires ou d’hygiène. Aujourd’hui, nous constatons une augmentation de 15 à 20% de nos propres charges liées aux dépenses alimentaires et de fonctionnement (électricité, énergie, carburant, chauffage…) et ce n’est pas prêt de baisser. Rien ne doit aujourd’hui venir perturber notre combat. Comme nous l’avons martelé au gouvernement, nous avons plus que jamais besoin de l’aide de l’Etat, mais aussi des entreprises et des donateurs qui peuvent donner. Nous avons des frais de fonctionnement très bas, de l’ordre de 5,5%. Cette rigueur budgétaire nous permet pour l’instant de répondre à l’urgence et de préparer l’avenir , mais jusqu’à quand ?

La guerre à nos portes a fragilisé nos écosystèmes alimentaires et entraîné l’arrivée de milliers de réfugiés sur notre territoire. Comment faire face ?
Le phénomène migratoire n’est pas nouveau, qu’il soit géopolitique, climatique ou économique. Qu’une personne traverse la rue ou la Méditerranée, elle sera toujours accueillie aux Restos du Cœur si elle est dans le besoin. L’accueil inconditionnel reste une de nos valeurs fondamentales comme l’absence de jugement. Nous avons effectivement dû faire face à l’afflux de réfugiés venus d’Ukraine, dès les premiers jours. Nous avons d’abord apporté une aide logistique en faisant partir au plus vite des palettes de produits alimentaires et de première nécessité par le biais d’autres associations. Très rapidement, nous nous sommes organisés pour pouvoir accueillir dans nos centres ces réfugiés, en organisant notamment la traduction de documents et en adaptant aussi notre aide alimentaire.

Heureusement, vous pouvez toujours compter sur une armée de fidèles…
70 000 bénévoles réguliers sont là pour nous épauler toute l’année, souvent jour et nuit, et 27 000 nous rejoignent occasionnellement Toutes nos équipes sont mobilisées, nos bénévoles, nos salariés, nos stagiaires, nos alternants, nos mécénats de compétences, les services civiques, TOUS autour d’une seule cause. Pourtant, beaucoup d’entre eux souffrent aussi de cette inflation. Nous avons des bénévoles très modestes. 15% d’entre eux sont en difficulté et accueillis eux-mêmes aux Restos du Cœur. Le bénévolat est alors une possibilité de retrouver confiance et estime de soi. L’Etat doit corriger cette injustice en modifiant une belle mesure fiscale existante qui permettra au bénévole non imposable de récupérer un peu de ses frais de déplacements pour son activité en crédit d’impôts.

Les Restos du Cœur restent inhérents aux Enfoirés…
L’entité Enfoirés représente 10% de nos ressources, ce qui demeure très important. L’an dernier, ce sont 15 millions de repas qui ont pu être servis grâce aux Enfoirés ! C’est énorme. Au-delà des chiffres, ces six concerts à Lyon sont surtout l’occasion de retrouver le public des Enfoirés, qui est à l’image de l’association : solidaire et généreux. Les artistes avaient très hâte de remonter sur scène pour lui. Année après année, le soutien inconditionnel des Enfoirés n’est pas un vain mot. Leur fidélité et leur engagement auprès des Restos du Cœur est formidable et au-delà d’un spectacle unique au monde, c’est aussi 1 personne sur 6 en situation de précarité qui arrive à se convaincre d’accepter notre aide grâce à cette confiance  Nous espérons que ce spectacle intergénérationnel rencontrera l’immense succès qu’il mérite lors de sa diffusion télévisée.

Focus sur l’antenne de Lyon

«Sur l’année en cours, nous avons déjà accueilli plus de 43 000 personnes et distribué pas moins de 4 millions de repas, alerte Jean-Marc Prot, responsable départemental bénévole des Restos du Cœur du Rhône. L’association compte 28 centres, dont un centre itinérant. Un accueil de rue est également organisé par Le camion du cœur qui permet de distribuer des plats chauds à un point fixe, sur la ville de Villeurbanne. Ce travail quotidien est assuré grâce au dévouement de quelque 2 400 bénévoles. Nous pouvons aussi compter sur l’appui de 1 000 supplémentaires lors d’opérations particulières comme les collectes nationales ou les paquets cadeaux lors des fêtes de Noël. Pour la première fois, nous avons mis en place un stand de recrutement de bénévoles à la Halle Tony Garnier durant le temps des six concerts des Enfoirés, en espérant que cette initiative inédite soit fructueuse. La venue des artistes a forcément un impact très positif pour les bénévoles et nos partenaires. Leur présence apporte une énergie supplémentaire, une mise en lumière bénéfique sur notre antenne qui gère, anime et coordonne sur le terrain l'aide alimentaire et les multiples activités contribuant à la réinsertion. La situation dans le Rhône est hélas le miroir de celle au niveau national : complexe et inquiétante, mais notre engagement est, lui, total».
 

QUELQUES CHIFFRES CLÉS (2021 - 2022)

1,1 million de personnes accueillies, dont 110 000 bébés de moins de 3 ans.

142 millions de repas distribués.

70 000 bénévoles + 27 000 bénévoles occasionnels.

44 centres itinérants.

101 ateliers et chantiers d’insertion.

1,9 million de contacts auprès des gens de la rue.

811 personnes hébergées en urgence.

4 752 personnes accompagnées dans leurs recherches d’emploi.

4 814 départs en vacances.

687 espaces livres.

668 microcrédits personnels accordés.
 

POUR AIDER LES RESTAURANTS DU COEUR

Rendez-vous sur www.restosducoeur.org

ou adressez vos dons par courrier à l’adresse suivante :

Les Restaurants du Cœur 75515 Paris Cedex 15