«De vraies combattantes»
Six femmes, touchées de près ou de loin par le cancer, décident de se mesurer à l’immensité de la nature et partent à l’assaut d’un sommet de près de 4 000 mètres. Clémentine Célarié interprète l’une d’entre elles et évoque cette série et ce rôle qui lui tiennent très à cœur.
Qu’est-ce qui vous a séduite dans ce projet ?
Ça faisait longtemps que je n’avais pas découvert un scénario aussi bien écrit avec autant d’humour, de vérité, de profondeur et d’intelligence. A la lecture, j’ai eu l’impression de voir ces femmes, de les connaître. J’étais émerveillée que l’on me propose une série sur le cancer alors que j’en avais eu un. C’était formidable de m’exprimer à travers un personnage sur ce sujet et encore plus dans une comédie car ceux qui traversent cette maladie s’accrochent souvent à l’humour et à l’autodérision pour la transgresser. J’ai également adoré que l’histoire se déroule au milieu d’une nature somptueuse, presque sacrée.
Effectivement, le tournage a eu lieu en pleine montagne…
J’adore la montagne car l’immensité de la nature nous dépasse. On se sent tout petits à côté. Le cancer, associé à cet environnement, nous a obligées à être toutes les six dans une humilité indispensable. Fini les pickups avec chauffeurs, les trajets se faisaient dans les télécabines, collées les unes aux autres pendant une heure et demie. On était obligées de s’apprécier et comme parfois cela arrive lors des mariages arrangés, on s’est effectivement aimées !
Vous vous glissez dans la peau de Noémie, qui est-elle ?
Noémie est une râleuse. A jouer, c’est merveilleux ! Et nous partageons ce point commun. En revanche, elle est hostile aux hommes et ce n’est pas du tout mon cas, même si je suis très concernée par la condition des femmes dans ce monde, leur liberté et leurs combats auxquels je participe depuis des années.
Noémie est très courageuse, à l’image des autres femmes du groupe. Elle est marrante car elle dit ce qu’elle pense et ne se préoccupe pas de son apparence. Je tenais à laisser totalement de côté ma coquetterie d’actrice pour l’interpréter. J’ai donc conservé mes racines de cheveux blancs et utilisé très peu de maquillage. J’ai également accepté de dévoiler mon corps tel qu’il est et de me baigner à moitié nue. Si ça n’avait pas été pour ce rôle, je ne me serais jamais montrée comme ça !
Connaissiez-vous vos partenaires de jeu ?
Je connaissais un peu Claire Borotra car nous avions fait du théâtre ensemble mais aucune des autres actrices. J’ai découvert des comédiennes que j’adore. J’ai également fait la connaissance de Lucien Jean-Baptiste. Nous formons un vrai duo dans la série. Il a été absolument génial, extrêmement généreux, bienveillant et à l’écoute. L’ambiance sur le tournage était vraiment exceptionnelle ! Happée par mon emploi du temps et mes projets, je ne revois généralement personne après les tournages. Mais depuis la fin des Randonneuses, mes partenaires de jeu sont venus me voir au théâtre et nous étions très heureux de nous retrouver au festival Séries Mania. On est liés par cette série et ça transparait à l’écran. Cette complicité nous a donné la liberté de faire quelques petites impro. Grâce au regard tendre et à la bienveillance de Frédéric Berthe, nous avons pu être le plus sincère possible dans l’incarnation de nos personnages. Il me fait penser à un capitaine de bateau. Solaire et très friand d’humour, il a grandement participé à l’authenticité de cette série.
Au-delà du cancer, quel est le thème principal de la série ?
Avant tout, Les randonneuses traite du dépassement de soi à travers le parcours de ces femmes qui sont de vraies combattantes. Les épisodes ne sont jamais plaintifs, ni complaisants ou larmoyants. Ils racontent à la fois un perpétuel combat et une perpétuelle réjouissance de la vie avec tout ce que cela comporte : les sautes d’humeur, les engueulades, la mauvaise foi... Il y a aussi quelque chose qui rappelle l’enfance dans ce groupe de filles qui part en randonnée chapeauté par un moniteur. La notion de liberté est également très forte.
On sent dans la série, notamment à travers certains dialogues, que le mot cancer provoque un sentiment de gêne ou de honte. Comment expliquez-vous que ce soit encore le cas en 2023 ?
C’est toujours un tabou. Je m’en suis notamment rendu compte quand j’ai écrit mon livre Les mots défendus. Pour faire avancer les choses, il faudrait davantage en parler et informer les gens, aussi bien ceux touchés par la maladie que leurs proches. J’ai fait des rencontres incroyables à la Maison RoseUp où sont accueillies des femmes touchées par un cancer pour discuter et partager des activités. Je m’y sentais dans un pays qui était le mien. Car on a parfois l’impression d’être à part lorsque l’on est atteint d’un cancer. Pouvoir l’exprimer et utiliser mon art pour tenter de briser ce tabou est formidable. Je trouve admirable que TF1 fasse une série sur ce sujet. Ça va libérer plein de gens et leur faire un bien fou, qu’ils soient en train de traverser la maladie ou, comme moi, guéris ou en rémission.
Vous avez reçu le prix de la meilleure actrice pour «Les randonneuses» au festival Séries Mania. Qu’avez-vous ressenti ?
Tout d’abord, j’ai adoré découvrir la série en public. Entendre les gens rigoler et également les voir très émus était jouissif. Recevoir ce prix d’interprétation m’a fait un choc. C’était incroyable. Je l’ai vécu comme une double récompense, à la fois pour mon travail de la part d’un jury international mais également pour une série où l’on parle d’une maladie dont je suis guérie. J’ai eu l’impression que le cancer me lâchait enfin totalement. J’ai ressenti comme un petit miracle. Excessive aussi bien dans ma vie personnelle que professionnelle, j’ai pu grâce à la situation extrême de mon personnage aller loin dans l’expression de certaines émotions. Ce prix s’assimile à une permission de vibrer encore plus.