«Cette histoire peut éveiller les consciences»
Quand Anne-Marie soupçonne son fils d’avoir des gestes incestueux envers son petit-fils, son monde s’effondre. Qui croire ? Qui protéger ? Prendre part pour l’un implique de sacrifier l’autre. Muriel Robin incarne cette femme confrontée à un cruel dilemme et aborde la douloureuse question de l’inceste.
Quels aspects de ce projet vous ont plu ?
J’ai trouvé le scénario très bien écrit. Les yeux grands fermés aborde un sujet fort sans jamais tomber dans le pathos. J’aime les films qui traitent de thématiques ayant du sens et dont il est important de parler. Un silence plane autour de l’inceste. On sait que ça existe mais personne n’ose l’évoquer, comme c’était le cas pour les violences conjugales il y a quelques années. Le travail des associations et certains téléfilms comme Jacqueline Sauvage ont offert une meilleure visibilité à ce sujet. Cela a permis de faire un peu bouger les choses. J’aime l’idée que cette histoire puisse éveiller les consciences.
Comment décririez-vous le personnage que vous interprétez ?
Anne-Marie est une grand-mère et une mère aimante. Comme son fils Stéphane a perdu sa femme et que son petit-fils, Adrien, a ainsi été privé de sa mère, elle endosse un peu ce rôle. Elle est très proche d’Adrien et de son petit frère, Paul. Elle va les chercher à l’école, recueille leurs confidences, les héberge quand Stéphane part en déplacement… Anne-Marie est une femme équilibrée et sans histoires à laquelle les grands-mères pourront facilement s’identifier.
A quel dilemme est-elle confrontée ?
Quand Anne-Marie constate qu’Adrien montre des signes de mal-être et adopte des attitudes étranges, elle commence à avoir des doutes sur le comportement de Stéphane. Mais si elle arrive à la certitude que son fils a commis des actes incestueux envers son petit-fils et le dénonce, il ira en prison. Et si au contraire, elle ne dit rien et qu’il est réellement coupable, elle abandonne son petit-fils. Face à ce dilemme, on peut se mettre à sa place et se demander ce que l’on ferait dans une telle situation. Son cheminement tout au long de l’histoire sur la possible culpabilité de son fils est captivant. C’est la force du film, on est presque dans un thriller. Cette fiction entraine forcément la question de savoir jusqu’où peut aller l’amour maternel.
Connaissiez-vous Guillaume Labbé ?
Nous nous sommes rencontrés pour ce tournage. Guillaume est un très bon acteur, un homme charmant, très équilibré et parfait pour ce rôle. J’ai beaucoup apprécié sa manière d’être papa et compagnon. On s’est très bien entendus, c’était très agréable et idéal pour interpréter cette relation mère/fils. Ce genre de rôle ne demande pas d’acquérir une gestuelle particulière pour rendre crédible nos personnages. Anne-Marie est avant tout traversée par des émotions. Dans ce type d’histoire, c’est surtout l’écriture et la force du scénario qui nous portent.
Quelle particularité y a-t-il à jouer avec un enfant si jeune sur un sujet aussi délicat ?
Eden Lopez qui interprète Adrien est très éveillé pour son âge et sa maman a choisi de lui expliquer de quoi parlait le film. C’est important car ainsi il savait ce qu’il tournait. Cela évitait les incompréhensions.
Gardez-vous à l’esprit une scène en particulier ?
J’ai été très marquée par la scène d’anniversaire. Voir cet enfant se renverser de l’eau bouillante sur la jambe pour éviter d’avoir à suivre son père et percevoir sa détresse est très dur. Même s’il s’agit d’une fiction, on rapproche forcément ce genre de situation à la vie réelle. La solitude que traversent ces enfants victimes d’inceste me bouleverse.
Pensez-vous que cette fiction peut participer à briser le silence ?
En parallèle de la diffusion des Yeux grands fermés, le gouvernement va lancer une campagne d’information. On est à l’aube d’un début d’éveil des consciences. Car si les chiffres de la réalité de cette situation existent, le silence demeure. J’espère que ce film aidera à faire bouger les choses. Il va falloir encore se battre et certains vont devoir monter au front. Les yeux grands fermés permettra certainement d’amener une discussion à l’intérieur de la famille. Chacun va pouvoir se questionner, réfléchir, prendre conscience. La télévision joue là un rôle essentiel.
Muriel Robin sera à l’affiche de Lapin au théâtre Edouard VII à partir du 21 septembre aux côtés de Pierre Arditi.