«Casser les codes»
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Champion de natation handisport et nageur de l’extrême, Théo Curin, quadri-amputé, a fait de son handicap sa force, envers et contre tout. En revendiquant haut et fort sa différence, l’athlète contribue à faire évoluer les regards sur le handicap. C’est notamment le cas à travers son premier rôle dans «Handigang» qui met en avant un «gang» de lycéens déterminés à réveiller les consciences face au manque d’accessibilité et de considération dont ils sont victimes au quotidien. Théo nous dévoile les enjeux de «ce film nécessaire», inspiré du roman de Cara Zina, Handi-Gang.
Comment vous êtes-vous retrouvé à incarner Sam ?
J’ai suivi la voie traditionnelle en passant un casting et je suis très fier d’avoir décroché ce premier rôle. Auparavant, j’avais déjà participé à la série Vestiaires sur France 2, mais j’y jouais mon propre rôle. Interpréter quelqu’un d’autre m’a beaucoup plu. Naturellement, il y a des similitudes entre Sam et moi car nous nous battons tous les deux pour faire changer les choses. C’est le but de cet «handigang». Handicapés ou valides, tous différents, tous égaux, unis pour l’inclusion, ces lycéens ont créé un gang pour dénoncer le manque d’accessibilité et de considération qu’ils subissent dans leur établissement. Loin de se sentir victimes, ils souhaitent réveiller les consciences en tapant fort et forcément, cela fait des étincelles…
Votre expérience personnelle vous a-t-elle permis d’émettre des idées ?
A la lecture du scénario, je me suis permis de proposer quelques petites scènes pour illustrer des situations que connaissent toutes les familles vivant avec un enfant en situation de handicap. C’est le cas de la scène dans laquelle Alessandra Sublet, qui incarne ma mère Nina, m’aide à mettre mes prothèses de jambes quand je suis dans ma chambre puis, à enfiler mon pantalon. Il me semblait important de voir cette mère et son fils dans une certaine intimité pour montrer à quel point Nina est essentielle à Sam. Cela reflète bien la vérité et le quotidien. Ce moment fusionnel a convaincu tout le monde et il est resté. Contrairement à Sam, je n’ai jamais eu trop besoin de me battre contre des problèmes liés à l’accessibilité. En revanche, une personne en fauteuil rencontre encore aujourd’hui des difficultés à entrer dans certains endroits. L’application de la loi sur l’accessibilité des lieux publics remonte au 11 février 2005, mais force est de constater qu’il reste encore beaucoup à faire en la matière.
Parlez-nous de votre bande «handigang»…
J’ai découvert un groupe de jeunes très enthousiastes et motivés. L’entente a été immédiate. Nous savions tous pourquoi nous étions là : faire réfléchir les téléspectateurs. Nous sentions que ce film serait un sacré outil susceptible de toucher les gens, de les surprendre, voire de les choquer avec, toujours, une morale derrière toutes ces actions répréhensibles. Je n’avais encore jamais vu un handicapé se faire casser la figure à la télévision française ! TF1 a franchi le pas et c’est important car cela reflète la vraie vie. Dans un lycée, les ados peuvent être sans pitié. S’ils ont envie de se battre, ils le font. Montrer cela à l’image, casser les codes, sortir de notre zone de confort est très important. Avec les autres comédiens, nous avons donné le meilleur de nous-mêmes car nous étions convaincus que c’était un film nécessaire. Au-delà de cette responsabilité, nous avons eu beaucoup de plaisir à tourner ensemble à Lyon. Personne ne vivait à proximité. Nous restions donc le week-end à sortir, à aller en boîte, quitte à se faire reprendre le lundi matin par la réalisatrice Stéphanie Pillonca ! Ce tournage nous a soudés et je pense que cela se ressentira à l’image.
Comment s’est déroulée votre rencontre avec Alessandra Sublet, qui incarne votre mère ?
Dès la lecture du scénario, ça a tout de suite matché ! Je crois que nous avons un peu le même état d’esprit. Souvent souriants, nous aimons faire les pitres, amuser la galerie… Un point commun nous réunissait aussi : c’était notre premier rôle dans une fiction. Débuter ensemble permet de se rassurer, de s’entraider, de partager ses idées sur une scène. Jouer une relation mère-fils est très fort sur le plan émotionnel, c’est aussi le fil conducteur de cette histoire. Nous y avons mis toute notre sincérité. Tout au long du tournage, nous avons appris à nous connaître et une vraie amitié a vu le jour.
Quel est votre meilleur souvenir ?
C’est difficile d’en choisir un, tant il y en a eu, mais je pense aux scènes de nuit au lycée. Il y règne une ambiance particulière et cela m’a fait penser aux films d’Harry Potter… Je me sentais hors du temps ! Nous avons tourné plusieurs fois la scène où on coule du ciment dans les escaliers. Tout le monde avait froid, était fatigué, l’ambiance était même un peu électrique, mais c’était tellement incroyable ! Qui n’a pas rêvé au moins une fois de mettre le bazar dans son lycée ? J’avoue avoir ressenti à un moment un sentiment de soulagement ! (rires)
Quels sont vos projets ?
J’ai hâte que Handigang soit diffusé et je rêve d’une suite… J’aimerais vraiment poursuivre dans la comédie, passer des castings et je l’espère, décrocher d’autres rôles et pas forcément pour jouer de rôle d’une personne en situation de handicap. Je souhaite apprendre encore intensément ce métier et devenir de plus en plus performant, quel que soit le rôle.
Vous avez récemment traversé à la nage le lac Titicaca, parcourant en 11 jours les 109 kilomètres qui séparent la Bolivie du Pérou. D’où tirez-vous votre force mentale et physique ?
Je m’inspire de ceux que j’aime : mes parents, mes amis, des inconnus aux parcours de vie inspirants. Je pense à tous ceux qui gravitent autour de nous, auxquels on ne fait pas forcément attention et qui pour autant, ont des vies peu communes et extraordinaires. Je repousse aussi mes limites pour eux afin de leur prouver que les moments difficiles auxquels j’ai fait face plus jeune sont derrière moi. Aujourd’hui, j’ai la capacité d’accomplir beaucoup de choses et je suis convaincu que le plus beau reste à faire. Lorsque je suis sorti de l’hôpital, je me suis rendu compte de la chance que j’avais d’être en vie. Je me suis alors fait une promesse : tenter de relever tous les défis que j’aurai en tête. Si cela fonctionne, tant mieux ! Sinon, tant pis ! A partir de ce moment, j’ai décidé de tout vivre à 100 000% et je ne compte pas m’arrêter en si bon chemin !