«Un film nécessaire»
Librement inspirée de faits réels et adaptée du livre de Sébastien Boueilh et Thierry Vildary «Le colosse aux pieds d'argile» nous plonge dans la vie d’un enfant, attaché à son Sud-Ouest natal et ses traditions. Mais son apparente joie de vivre masque un terrible mal-être qu’il dissimule pour protéger l’équilibre familial… Depuis quatre ans, Sébastien est violé par un proche, aimé de tous. Cet unitaire réalisé par Stéphanie Murat revient sur l’émouvante histoire de l’ancien rugbyman landais, incarné avec force et conviction par Eric Cantona. Cette fiction a été doublement récompensée lors du Festival des créations visuelles de Luchon, en remportant le Grand prix du jury et le Prix d'interprétation masculine pour Olivier Chantreau.
Pourquoi avoir accepté le rôle de Sébastien ?
A travers ce personnage, j’avais envie de raconter une histoire forte. J’ai évidemment lu en amont l’ouvrage dont ce film est inspiré et il me semblait important de pouvoir parler de ce sujet à l’écran. Le cinéma, la télévision, comme toute forme d’art, a une responsabilité : faire avancer les choses et prévenir. Au-delà du message qu’il y a à faire passer, les téléspectateurs doivent suivre une histoire comme une trajectoire. Sébastien est un rugbyman ; je viens du monde du football, deux sports collectifs très proches. Si j’étais né dans le Sud-Ouest, j’aurais joué au rugby. Ce point commun est important. Ce genre d’histoires arrive dans le sport, mais pas seulement. Les violences sexuelles touchent malheureusement beaucoup de milieux.
Comment vous êtes-vous préparé ?
Je me suis d’abord mis en condition physique. J’ai pris un peu de poids. J’ai pratiqué encore plus de sport car la stature d’un footballeur n’est pas celle d’un rugbyman. Ensuite, j’ai opéré un travail de préparation intérieure, psychologique, pour comprendre au mieux ceux qui ont pu subir ces sévices. En tous les cas, je n’ai pas essayé de me préserver, je me suis donné à mon personnage, sans retenue. La douleur transforme le corps, ce que j’ai pu constater dans beaucoup de scènes difficiles.
Hanté par son passé, votre personnage est traumatisé à vie. Pourquoi avoir, dès le départ, choisi le silence ?
Un silence contraint et subi s’est imposé à lui. Le mensonge et la honte ont gagné et son quotidien a été une descente aux enfers. Son prédateur l’avait averti : s’il parlait, il le ferait passer pour un homo. Ces personnes sont très fortes pour inverser les rôles et faire culpabiliser leurs proies. Il est important de se remettre dans le contexte de l’époque. L’homosexualité n’était pas perçue et reçue de la même façon qu’aujourd’hui. Dans les villages, il était plus difficile d’aborder le sujet. Certains choisissent de garder le silence toute leur existence. Je pense qu’il est primordial de se libérer d’un si terrible fardeau à un moment donné est primordial pour pouvoir continuer à vivre à peu près normalement. A la fin du film, je répète le mot «Parlez !» à plusieurs reprises. Il faut parfois insister sur certains mots, quitte à les répéter indéfiniment jusqu’à ce qu’ils fassent écho. Le silence est le meilleur allié des prédateurs, ne l’oublions pas.
Comprenez-vous cette colère enfouie, qui a fini par le démolir ?
Bien sûr, mais à un moment, elle est obligée de sortir. Il est toujours très difficile de mettre des mots sur des maux. J’ai passé énormément de temps avec Sébastien et son papa sur le tournage et en dehors. Sébastien a été très dur avec lui à une époque et son père, ne comprenait pas pourquoi. Il a donc aussi souffert de ne rien savoir. Aujourd’hui, ils entretiennent une relation forte et apaisée. L’aval de Sébastien pour incarner son personnage était important pour moi, tout comme sa présence sur le plateau.
En tant qu’artiste, pensez-vous qu’il existe d’autres moyens d’exorciser sa souffrance ? La peinture peut-elle en faire partie ?
Je suis à 1 000% d’accord ! Personnellement, si je n’avais pas ce moyen d’expression, je serais mort. L’art est un refuge contre toutes les douleurs, fortes, enfouies ou passagères. On fuit sa propre existence pour entrer dans un monde imaginaire qui nous réconcilie souvent avec nous-mêmes. C’est un moyen d’exorciser beaucoup de choses. User de toute forme d’expression est une chance rare. Je suis passionné par l’art.
Aujourd’hui, un enfant sur cinq est victime de violences sexuelles. Face à ce triste constat, comment éveiller les consciences ?
En produisant ce genre de film, afin qu’il soit regardé par le plus grand nombre. Parler, expliquer pour libérer la parole de ceux qui n’osent pas s’exprimer est important. Savoir que l’on n’est pas seul au monde à subir les mêmes souffrances indélébiles est primordial. J’essaie d’interpréter des personnages qui peuvent faire avancer la société. Cette histoire a son importance. Les personnages qui en font le socle ne correspondent pas forcément à des codes lisses et propres. Ce sont des histoires qui me parlent. C’est un rôle nécessaire.
Quels souvenirs gardez-vous de ce tournage dans Les Landes, plus particulièrement à Dax où les arènes et le stade de rugby Maurice-Boyau sont mis en avant ?
J’en garde un souvenir très fort car tourner un film comme celui-là est très éprouvant. En même temps, on fait des rencontres magnifiques, comme celles de Sébastien et de ses proches. On vit des moments très intenses, on se sent investi d’une mission. Par ailleurs, j’adore Les Landes. J’aime passer du temps en région, manger aux mêmes endroits, découvrir la vie locale, aller à la rencontre des gens. On vit pleinement le jour présent.
Vous partagez notamment l’affiche avec Aure Atika, qui incarne votre amie d’enfance, et Françoise Fabian, votre mère. Comment s’est passée votre rencontre ?
Je n’avais jamais tourné avec Aure et ce fut un plaisir de jouer avec elle. Concernant Françoise, il s’agit d’une amie de la famille depuis qu’elle a joué au théâtre avec ma femme, Rachida, en 2013. Elle est devenue une amie proche et j’étais très fier et heureux de tourner à ses côtés.
Pour contacter l’association Colosse aux pieds d’argile :
https://colosse.fr/contact/